1. Introduction
De la ceinture subsaharienne qui s’étend de la côte atlantique à la Corne de l’Afrique, le phénomène des mutilations se répand à l’échelle mondiale, parsemant la planète de traditions rituelles perpétuées sur le corps féminin [ 1].
Les estimations représentent une population de plus de 200 millions de filles et de femmes victimes de MGF/E dans le monde, et plus de 3 millions de filles sont touchées chaque année par la menace de mutilation 3,4.
Cependant, l’illégalité de cette pratique, sévèrement condamnée par l’Union européenne, ne suffit pas à en entraver la diffusion : il y a en effet environ 600 000 femmes vivant en Europe, sur le corps desquelles se détachent les marques indélébiles imprimées par le respect de cette pratique 5.
La communauté européenne, en raison des phénomènes migratoires importants, est imprégnée d’une multiethnicité qui traîne naturellement son propre bagage varié de traditions populaires qui, dans le cas des MGF/E, entraînent une ablation partielle ou totale des organes génitaux externes.
Ces coutumes augmentent le risque de complications physiques, mentales et sexuelles à court et à long terme 6, altérant irrémédiablement l’anatomie et la physiologie du corps. L’âge de la soumission varie de la première semaine de vie à l’âge adulte, mais la tradition de l’excision se produit surtout chez les mineurs, en particulier entre les âges de trois et huit 7,8ans.
En 2018, l’OMS A publié un manuel clinique sur les mutilations sexuelles féminines afin d’améliorer les connaissances, les attitudes et les compétences des professionnels de la santé dans la prévention et la gestion des complications liées à ces 9pratiques.
En général, il convient de noter que la volonté politique de la communauté internationale s’est considérablement développée afin de stimuler les actions visant à mettre fin à la pratique, qui s’est considérablement répandue dans le monde entier.
Les Orientations Nationales et Internationales recommandent la mise en place d’une prise en charge pluridisciplinaire (déjà testée dans le reste de l’Europe) qui s’exprime, au niveau régional, par la proposition d’un modèle (Hub-Spoke) de service intégré et pluridisciplinaire d’aide aux victimes de MGF, afin de répondre à la complexité des besoins exprimés par les femmes assistées : une population féminine défavorisée et vulnérable en termes d’accès aux soins 10,11,12.
2. Cadre méthodologique
Compte tenu des demandes formulées par le ministère de la Santé pour l’identification de centres de référence pour le diagnostic, le traitement multidisciplinaire et la lutte contre les pratiques mutilatoires, ainsi que des nombreuses initiatives que la ville ASL de Turin a promues, un service dédié aux MGF a été ouvert en novembre 2021 au nouveau Centre multidisciplinaire pour la santé sexuelle (Ce. Mu.S.S.).
Ce.Mu.S.S. est né comme le premier et le seul centre en Italie avec cette structure : basé sur le modèle anglo-saxon infirmière dirigée, il est organisé à partir de l’unification des trois centres IST de la ville métropolitaine de Turin avec une empreinte multi-spécialiste.
Le service des MGF, situé au sein du CE.Mu.S.S., s’adapte pleinement au modèle multidisciplinaire : il assure en effet la présence de deux gynécologues, d’un coroner et d’une sage-femme qui, en collaboration avec le personnel infirmier, avec des psychologues et des médiateurs culturels déjà présents au CE.Mu.S.S., sont en mesure de fournir une assistance de haut niveau dans la prévention, le diagnostic et le traitement des MGF, ainsi que de proposer des interventions d’éducation à la santé sexuelle dans la population cible des femmes et en général.
Le service vise à fournir des services de diagnostic et de traitement (désinfibulation et reconstruction des organes génitaux, couplés à un soutien psychologique aux femmes victimes de MGF), ainsi qu’à promouvoir le contraste avec la pratique par des activités de prévention spécifiques pour la population à risque, des cours de formation pour les agents de santé, et avec la production et la diffusion de matériel d’information spécifique à la citoyenneté.
Le centre de MGF a un rôle central dans la définition des relations avec les autorités locales qui traitent du phénomène et son objectif principal est de structurer la mise en œuvre d’un réseau entre le territoire et les centres de naissance, afin de pouvoir assister les femmes victimes de MGF dans leur vie sexuelle et familiale, pendant la période avant et après l’accouchement.
Pour atteindre cet objectif, les cinq réunions tenues à Turin entre avril et mai 2022 présidées par Amref Health Africa Italy dans le cadre du projet « P-ACT : voies d’action contre la réduction des droits » financé par le Fonds Asile, Migration et Intégration (FAMI) du Ministère de l’Intérieur se sont avérées fondamentales.
Au terme des rendez-vous précités, auxquels ont participé les réalités sanitaires et associatives engagées dans la lutte contre les MGF au niveau régional, un premier projet de « Protocole pour le lancement d’un Réseau territorial de prévention et de contraste avec les MGF à Turin » a été défini, qui fixe les objectifs, les rôles et les responsabilités des différentes autorités locales ainsi que les engagements, notamment économiques, à soumettre à l’attention des institutions.
La réalisation des objectifs clés du réseau territorial a été rendue possible grâce à la participation active des différentes entités participantes qui ont participé aux activités de formation co-organisées et programmées lors des réunions et fournies par le système d’enseignement à distance (DL).
La formation appropriée des personnes impliquées joue un rôle clé dans l’interception précoce des risques, jetant les bases de la structuration d’un système social et sanitaire plus durable, plus juste et moins précaire, dans lequel le droit à la santé n’est pas ignoré mais assume un rôle prioritaire dans le système d’allocation des ressources. Significatif à cet égard est l’exemple du contexte sanitaire parisien : malgré l’absence d’un système standardisé de prise en charge des femmes MGF, il émerge
que la proposition d’un service personnalisé, multidisciplinaire et multi-spécialisé pour les femmes vivant avec des MGF est un devoir de santé publique, comme l’a déclaré la Fédération GAMS (Groupe pour l’abolition des Mutilations Sexuelles Féminines) 11, 13, 14.
3. Résultats
Les exemples internationaux étayés par les Directives internationales montrent que la seule approche possible de la MGF est multidisciplinaire et intégrée. Compte tenu du contexte urbain de Turin et des structures territoriales qui existent déjà et opèrent déjà dans le domaine des MGF, le centre a ouvert ses portes au Ce.Mu.S.S. joue le rôle de plaque tournante et gère des activités visant à impliquer les parties prenantes, la formation du personnel et les soins médicaux et chirurgicaux, si nécessaire, pour les femmes victimes de MGF.
Les services présents sur le territoire (Spoke) permettent un système à double sens qui voit la convergence des femmes vers le centre de santé et la divergence de celui-ci vers les autres entités qui font partie du modèle. Cela améliore et facilite non seulement l’accès des utilisateurs au centre, mais aussi la possibilité de se connecter avec les victimes de MGF en leur offrant un soutien et une assistance précieux à différents moments et étapes de leur vie.
En particulier, les services de santé chargés du premier niveau d’assistance et d’interception des femmes victimes de MGF sont des consultants, des médecins généralistes, des hôpitaux et des services de lutte contre la violence sexuelle.
Le service de MGF de Ce.Mu.S.S. vise à servir de PLAQUE TOURNANTE pour être référé au cas où les services territoriaux auraient besoin d’une intervention spécialisée telle que la réparation chirurgicale (par exemple, la désinfibulation et/ ou la reconstruction clitoridienne). En outre, les services communautaires peuvent répondre à un besoin spécifique de la femme en termes d’assistance sociale ou de soutien psychologique, ce qui nécessite une gestion à long terme plus approfondie et structurée et pour lequel le centre central est disponible pour référence.
Parallèlement aux services de santé, les organismes associatifs sont des entités structurées qui entrent en contact avec les femmes également par le biais de l’Anello Forte, réseau de lutte contre la traite du Piémont et de la Vallée d’Aoste 15.
Ce projet, financé grâce au plan d’action national contre la traite et l’exploitation grave, a permis la construction d’un système de services tels que les unités mobiles, le numéro vert, les guichets, les Centres d’accueil extraordinaire (cas) et le Système de protection des demandeurs d’asile et des réfugiés (Sprar).
Ceux-ci ont été impliqués, à différents niveaux, dans le projet d’Amref Health Africa – « P-ACT : pistes d’action contre la coupure des droits » – permettant ainsi un échange fructueux de contacts et la définition de procédures standardisées pour l’envoi et l’accueil des femmes victimes de MGF, ainsi que pour le signalement de tout risque de récurrence de cette pratique sur les nouveau-nés.
Les services territoriaux qui ont participé aux réunions présidées par l’Amref ont proposé de déléguer un chiffre qui pourrait s’interfacer systématiquement avec le Service MGF DE Ce.Mu.S.S. afin de définir des relations de mise à jour, d’échange et de partage constants.
L’une des collaborations les plus étroites du Centre des MGF a été définie avec les travailleurs sociaux du Service social d’entreprise de la ville ASL de Turin pour lesquels une personne de contact a été désignée. Cette personne sera dédiée aux activités du Centre de MGF, et sera consultée en cas de questions particulièrement sensibles, impliquant des situations mineures ou sous-jacentes de violence de genre.
En raison de l’implication des mutilations génitales féminines dans la demande de statut de réfugié politique, le rôle des travailleurs sociaux et des coroners est crucial pour gérer au mieux la relation avec la femme et sa famille, en assurant la protection non seulement de sa sécurité et de ses droits, mais aussi du respect de la législation italienne.
Le Service des MGF est ainsi placé au centre d’un graphe idéal (Figure 1) aux extrêmes duquel on retrouve, comme les pétales d’une fleur, les services territoriaux qui peuvent intercepter et par conséquent porter à la connaissance du Service un cas particulier ou, inversement, recevoir du Ce.Mu.S.S. des rapports spécifiques pour des interventions sociales ou sanitaires standardisées destinées au patient.
En appliquant le système exprimé dans la Figure 1, conçu à travers les idées qui ont émergé au sein des ateliers organisés par l’Amref et à partir de la discussion avec les services internationaux déjà actifs sur le terrain, il est donc possible d’assurer la personnalisation des soins aux patients. En outre, le système garantira la durabilité à long terme de l’intervention (éducative, sanitaire, psychologique, sociale) mise en œuvre et l’exhaustivité de tous les besoins qu’implique un phénomène aussi complexe que les MGF.
Fig. 1. Modèle de service multicentrique et multidisciplinaire pour les femmes victimes de MGF.
Parmi les réalisations, on peut citer les activités de formation organisées par le Service des mutilations génitales féminines à l’intention de différentes catégories de travailleurs sanitaires et sociaux.
Celles-ci ont permis d’améliorer la sensibilisation et le partage du contenu et de stimuler une approche moins superficielle et plus compétente des soins de santé. Plus précisément, l’implication du médecin généraliste et du personnel des urgences obstétricales et gynécologiques a permis la construction de voies non seulement pour le diagnostic et le traitement, mais aussi pour la prévention. De cette façon, l’attention est attirée sur le phénomène mutilatoire dès le premier contact avec la femme, afin qu’elle puisse avoir le temps et les outils pour réfléchir consciemment et librement, se souvenir et décider en respectant son propre corps et sa santé. Il est essentiel de dissocier l’association « premier contact = urgence » typique de l’accès des femmes MGF, et aussi de jeter les bases d’un dialogue constructif et accueillant sur le sujet des MGF. Ces bases devraient être posées dès l’adolescence et, en tout cas, espérons-le, avant le début de l’activité sexuelle.
Cette approche « préventive » plutôt que « interventionnelle » exprime sa valeur non seulement envers les femmes déjà victimes de MGF mais aussi chez les nouveau-nés et chez toutes les générations de filles à risque de perpétuation du phénomène, tant dans les pays d’origine qu’en Europe.
Au niveau social, en revanche, la formation des éducateurs, des psychologues, des travailleurs sociaux, et en général de toutes les personnes impliquées au niveau local au sein des coopératives ou associations en contact avec la population migrante, a contribué de manière exponentielle à l’augmentation du nombre d’accès et de visites fournis par le Service des MGF au second semestre 2022. Ce fait confirme le succès du dialogue Hub-Spoke dans la gestion des MGF.
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Le sujet des MGF est encore peu connu et la plupart des professionnels, en particulier dans le domaine de la santé, n’ont pas les compétences nécessaires pour y faire face. Ce manque entraîne un service inadéquat et déficient, ainsi qu’une difficulté inhérente et concrète à construire des voies diagnostiques et cliniques significatives. Bien qu’il existe à Turin un service très spécialisé comme celui ouvert au Ce.Mu.S.S., au niveau territorial cela ne se traduit pas avec autant d’immédiateté. Cela retarde – sinon compromet – la définition de voies intégrées et la gestion de cas moins complexes par les services déjà existants.
Cette limitation peut être surmontée grâce aux vastes interventions de formation organisées par le Service des MGF et Amref Health Africa, mais retardera considérablement la mise en œuvre du modèle à rayons centraux.
En outre, la formation d’un réseau territorial ne suffit pas au fonctionnement à long terme des relations entre le territoire et l’institution. Par conséquent, il est également nécessaire de définir les rôles en relation avec la nécessité d’interagir avec les institutions pour permettre la discussion sur l’allocation des fonds dédiés à la lutte contre les MGF. À cette fin, la définition d’un sujet chef de file supralocal/régional et la formalisation d’un comité permanent multiministériel et interinstitutionnel pour la prévention et la lutte contre les mutilations génitales féminines sont essentielles. Ces objectifs sont également mentionnés dans le projet de protocole élaboré par les acteurs ayant participé aux réunions avec Amref Health Africa à Turin entre avril et mai 2022.
5. Conclusion
Les plans nationaux et les investissements régionaux pour ouvrir un service dédié à la lutte et à la gestion des MGF au Centre de santé sexuelle ont besoin d’un contexte régional avec lequel s’interfacer.
Le Ce.Mu.S.S. est un excellent exemple d’une réalité pluridisciplinaire à partir de laquelle définir des voies de partage de la charge résultant de la gestion de ce phénomène.
Au sein du service des MGF, il existe des spécialistes chargés de gérer les cas cliniques les plus complexes et d’organiser des cours de formation et de consultation à l’intention des autorités locales.
La mise en œuvre de ce service conçu sur la base du modèle Hub-Spoke et décrit dans les résultats du projet de recherche, répond concrètement aux besoins qui ont émergé de l’analyse minutieuse des besoins menée au niveau régional sur les MGF. Le contexte territorial avec lequel interagir est la ressource identifiable dans les services territoriaux capillaires (Spoke) qui permettent la convergence des femmes vers le centre de santé (Hub). Le Hub est reconnaissable par l’équipe multidisciplinaire de gynécologues, d’obstétriciens, d’urologues, de médecins légistes, de sexologues, de psychologues et de médiateurs culturels qui composent la clinique externe de MGF située au sein du Ce.Mu.S.S.
La prise en charge de ces dossiers serait personnalisée, pérenne et complète au regard de tous les besoins qu’implique un phénomène aussi complexe.
Un phénomène, celui des MGF, qui traduit en fin de compte une inégalité profonde et atavique entre les sexes au niveau mondial entre l’homme et la femme et la violence à l’égard des femmes et des filles.